Pourquoi tu devrais pas t’entrainer avec les watts

J’entends déjà tous tes arguments comme quoi la mesure de la puissance est indispensable pour la performance. D’accord, je m’explique. Collecter les données de puissance est sans contredit un élément essentiel pour la planification et l’analyse des données. Dans le titre de cet article, je fais plutôt référence au moment où tu fais un intervalle (ou un effort/performance), avec ton écran rempli de chiffres devant toi.

Nos repères agissent comme des limites psychologiques

L’hiver dernier, j’ai lu le livre « How bad do you want it? » (par Matt Fitzgerald) qui a eu quelques répercussions sur la façon dont j’approche la perception de l’effort et de mes limites. Les exemples où les performances vont au-delà des lois de la physique et de la science sont nombreux. Une énorme portion de la performance se passe dans la tête! Un exemple tiré du livre qui m’a marqué était le contre-la-montre de Greg Lemond en 1989 au Tour de France. Il était 2e au GC, il devait donc s’élancer avant son adversaire (Laurent Fignon), et ne pouvait pas bénéficier des temps de passage de celui-ci pour guider son effort. Son seul objectif : enregistrer le temps le plus rapide que sa machine humaine puisse produire (n’ayant aucune reférence), et espérer que ce soit suffisant pour remporter le Tour de France. Il a été le plus rapide par 58 secondes (et a ainsi gagné le Tour par 8 secondes), et ce malgré que les 2 hommes avaient enregistré des temps similaires aux contre-la-montre précédents. Preuve que les repères n’auront servi aucun avantage, ne serait-ce que pour indiquer à Fignon qu’il était en train de perdre.

Il faut oublier les repères, retirer les limites psychologiques. C’est fou ce qu’on peut faire si on ne connaît pas la limite. Un autre exemple, personnel cette fois. À 16 ans lorsque j’étais hockeyeuse, j’ai eu la drôle d’idée de faire 450km en 3 jours toute seule avec mon sac à dos (j’aimais bien partir à l’aventure!). La 2e journée, j’ai fait 218km. 218km! À 16 ans! (oui avec un sac à dos… oui ça m’a pris toute la journée.) Pourtant depuis que je suis « cycliste », je n’ai jamais refait une telle distance! Non car même les courses professionnelles féminines c’est seulement dans les 100km. Donc passé les 100-150km, on se dit que c’est une bonne journée, ça devient un seuil psychologique. 218km en une journée toute seule, pour une joueuse de hockey? Mais voyons donc! La beauté de ne pas savoir! Pour pas savoir, oh que j’en savais pas sur le vélo! C’était du « aucun repère » à l’état pure!

C’est la même chose avec les watts. On peut facilement être manipulé par nos repères lorsqu’on s’entraîne avec l’affichage des watts. En associant une perception d’effort avec la valeur affichée, on peut risquer de restreindre notre performance.

De la même façon, on associe souvent nos limites (capacité maximale) à notre meilleure performance à ce jour. Et si on ne connaissait pas quelle est notre meilleure performance (ou notre limite) avant de s’élancer, que deviendrait-elle?

Suite à cette prise de conscience l’hiver dernier, j’ai voulu tester le concept. J’ai donc fait un test de 20 minutes à l’aveugle. Ce fût probablement ma plus belle découverte! (18% d’augmentation avec le dernier test précisément – et je n’ai pas commencé à m’entrainer hier matin…) Au début ça me faisait peur car je n’avais aucune idée si j’étais complètement à côté de la track. Mais c’est exactement le but de l’exercice, de retirer les repères. Puis je me suis laissé guider par les sensations et je n’arrivais pas à croire ce que je venais d’accomplir quand j’ai vu le résultat après. Depuis, j’ai créé une page sur mon Garmin sans les watts que j’utilise souvent et c’est toujours surprenant ce qu’on peut faire même dans une mauvaise journée! (lire mes trucs quoi faire dans une mauvaise journée)

L’impact sur le discours interne

Un autre effet de l’affichage des watts à l’entrainement est son impact sur notre discours interne. Le discours interne c’est la petite voix qui dit toute sorte de chose (ou qui ne dit rien..). Pour performer, il faut un discours interne positif et être en contrôle de son discours. Lorsqu’on a la puissance affichée devant les yeux, c’est facile d’échapper notre discours interne et de réagir (« oh merde ça va pas.. » « oh l’entrainement d’hier m’a vraiment fatiguée.. » « c’est sûrement ce que j’ai mangé, ou ai-je assez dormi? » « oh c’est beaucoup trop rapide je vais casser si je continue à ce rythme ») sur des pensées négatives et/ou de simplement perdre notre focus sur l’exécution.

Pour moi, j’ai trouvé que de me concentrer sur ma respiration et sur mon coup de pédale est la façon que je performe le mieux. De travailler sans les watts a énormément améliorer ma capacité à me concentrer sur l’exécution et sur mon discours interne, à reconnaître mes sensations et à être plus à l’écoute pour mieux gérer mon effort.

Pour terminer, je vous mets au défi de tenter l’expérience, d’essayer d’ignorer vos repères, quels qu’ils soient, pour un exercice donné, et voyez où ça vous mène !

Bon poussage de limites!

Marie-Soleil Blais

Marie-Soleil Blais

Bike Racer & Adventurer

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