Ma saison 2018 dans ses hauts et ses bas – Partie 1

Départ pour Colorado Springs

Au début décembre, je décolle avec mes 2 vélos (route et piste) vers Colorado Springs où Andy Sparks m’accueille et commencera à m’entraîner sur le vélodrome. L’environnement d’entrainement était impressionnant. J’emménage dans l’un de ses appartements avec une Finlandaise hyper cool. Deux semaines à peine après mon arrivée, j’apprends que Andy a signé une très fructueuse entente avec le Singapour. Il recevra plusieurs athlètes pour une somme que je ne pourrais jamais égaler. Il n’y a plus de place pour moi, pas au prix que je peux payer.

Je me suis blessée au dos plus tôt à l’automne, incapable de m’asseoir pendant presque un mois (par hasard en même temps que j’attendais impatiemment des nouvelles du programme de l’équipe nationale).

Une nuit, mon dos se barre complètement et je me réveille en agonie. Nuits après nuits, l’histoire se répète. Je me glisse sur mon tapis de yoga sur le plancher de béton en plein milieu de la nuit à tenter de trouver un angle où la douleur est soutenable. Les antidouleurs et relaxants musculaire et les pilules bleues pour dormir suffisent à peine. Sur le vélo, la douleur passe un peu mais dès que j’arrête de bouger, c’est invivable, j’ai mal et j’ai besoin de dormir. Puis j’habite avec 4 autres filles dans un mini appartement. Ça parle et ça rigole en mandarin. Pas exactement comment j’avais visualisé la chose lorsque j’ai quitté la maison !

Training group in Colorado

On fera un camp d’entrainement au vélodrome de Los Angeles au début janvier avec le groupe d’athlètes de Andy, mais je ne retournerai pas immédiatement au Colorado. Je ne sais pas encore comment je ferai pour atteindre mes objectifs, mais je vais faire autrement ! On me dépose à la station de trains à Los Angeles le 12 janvier, avec ma petite valise, mon sac à dos et mon vélo de route. Aucun plan, je suis perdue. Il doit faire 20 degrés. En Californie avec un vélo, c’est pas si mal comme endroit pour être perdue après tout!

Nouveau départ. Cardiff-by-the-Sea, Californie

Cardiff-by-the-Sea

Je prends un train en direction sud vers Cardiff-by-the-Sea (juste au nord de San Diego), où j’irai rester chez une gentille dame qui héberge des cyclistes chaque hiver. J’entre en contact avec mon éventuel entraîneur Chris Rozdilsky. On décide que je ferai un premier bloc sur la route, et ensuite je retournerai sur la piste. Ok! I got a plan! Je ferai moins de courses pour être mieux préparée, mais il faudra capitaliser avec des résultats. J’investirai tout ce que j’ai et ferai tous les efforts (#fullgas), le tout pour le tout, en espérant que ça débloque pour 2019!

Chris me donne une condition : je dois commencer par perdre du poids. J’accepte le défi; je compte mes calories (pendant 6 semaines sans manquer un jour!), j’apprends à rouler à jeun et à faire toutes ces petites choses que les cyclistes sur route professionnels font. Ça a marché, j’ai vu mon corps se transformer tellement rapidement que j’avais du mal à y croire ! (Ça a marché, mais non pas sans difficulté à m’entraîner, ni sans doute, sans faim, sans craving, ni sans énorme dévouement. Juste fyi.)

Au pays des cactus. Tucson, Arizona

À la fin-février, je dis au revoir à l’océan pacifique (et aux voitures dangereuses K) et me dirige vers Tucson en Arizona, où je resterai chez une famille trop cool, amateurs de vélo, qui a accepté de m’héberger pour m’aider. Pip Sutton, une coureuse Nouvelle-Zélandaise, se joindra à nous aussi.

Le Shootout and all the way up

Chaque samedi matin, c’est la fameuse sortie du Shootout (aka course non officielle avec plusieurs hommes pros). Lorsque Simone Boilard est là, c’est la course jusqu’au haut de la première bosse. Elle est impressionnante. On a du plaisir à jouer la course, on joue pour l’honneur mais c’est assez suffisant pour s’arracher les jambes. Autant j’ai redouté de perdre, autant j’ai adoré ces courses amicales qui nous ont poussé à nos limites et qui ont développé cette camaraderie. Je ne pourrais être plus fière de ses accomplissements cette saison et lui souhaiter le meilleur. Cette fille-là fait les efforts.

Dans la 2e section du Shootout, plusieurs hommes pros font un détour vers Madera Canyon. Je suis la seule femme à le faire la plupart du temps. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais réussi à monter jusqu’en haut (obligée à redescendre lorsque les gars amorcent leur descente, pour ne pas manquer le train vers la maison!).

Puis un jour j’atteins une nouvelle section, les pourcentages d’inclinaison sont si élevés que j’ai l’impression de faire du sur-place. La chaleur m’étourdit. Soudain, je crois entendre des rires. Je vois des casques orange, les casques de Silber. Je reprends de la vitesse alors que je fixe ce que je redoute n’être qu’un mirage. Non j’ai bien vu, c’est le sommet ! Vite avant qu’ils ne redescendent ! Je franchis à peine la ligne du stationnement que les gars en sortent. Wow, par 1 seconde. À partir de maintenant je me rendrai au sommet chaque semaine.

Début officiel de la saison

Joe Martin Stage Race, Arkansas

J’arrive à Fayettevile, Arkansas, pour le début officiel de la saison, la première course du circuit professionnel américain. J’y participe grâce à une équipe mix organisée par mon amie Stefanie Sydlik. En sortant le vélo de mon sac, je découvre que ma roue s’est brisée durant le vol. Je scan rapidement dans ma tête mes différentes options et je passe un coup de fil. 20 minutes plus tard je reçois un message texte du promoteur de la course. Il me prêtera sa roue de course personnelle à lui! Wow je suis devenue une vraie professionnelle de l’amateurisme.

Samedi matin au contre-la-montre en montée, je me place 8e. Une excellente performance, en montée! Ahh ouais c’est pour ça la perte de poids. Merci Chris. Ça commence bien la saison.

Uphill TT, Joe Martin Stage Race

De retour à Cactus Land

L’entraînement comme je l’ai pas encore connu

De retour à Tucson, mon coach Chris me fait faire des entraînements que je n’aurais jamais osé penser faire. Si je pensais avoir fait une grosse séance, la semaine d’après c’était 50% plus.

Un jour je devais monter une côte (A-Mountain, une montée de 6 à 7 minutes), 12 fois. Pas 5, pas 8, 12 fois. À bloc. Il faisait 34 degrés quand j’eu fini. Avant de redescendre la 12e fois, je suis allée vers la petite tour d’observation. Un groupe de jeunes s’y trouvaient avec leur professeure, et avec une grosse cruche de slush! Ils sont tous excités de me servir un verre et de me poser leurs questions après m’avoir vu monter à pleine vitesse « 2 fois ». Je leur apprends que je l’ai plutôt monté « 12 fois », leur mâchoire tombe grande ouverte ! Hahaha, c’était cool! Ce moment restera imprégné dans ma mémoire.

Un autre matin, j’avais une grosse sortie au programme avec de long efforts soutenus. Trois heures plus tard, le mental est à plat, c’est le tourbillon d’idées négatives. Puis tout à coup, une équipe d’hommes qui s’entrainaient arrive à ma hauteur. J’embarque dans leur train et roule avec eux, tout à coup ça roule fort! Ça sent l’égo masculin. Après m’être battue contre le vent pendant près de 4 heures, me cacher dans leur draft est facile comme tout. Puis une toute petite bosse se dessine sur la route avant de rentrer en ville. J’entends « Easy! Easy! » Je me retourne et je contemple les dégâts. Hahahaha! Ils ralentissent pour attendre leurs équipiers. Ok bye guys! Et je ne les ai plus revus. Ah ouais peut-être que je suis en forme finalement ! Il y a deux instants j’avais le moral si bas, et tout à coup je me sens capable d’atteindre tous mes objectifs.

J’ai tellement de beaux moments en mémoire de mes 2,5 mois à Tucson et ce n’était pas que des gros entrainements. Il y a la fois où Pip et moi roulions sur nos vélos « commute » avec nos casque de course et le gros sac de popcorn accroché au guidon, faisant tourner les têtes et sourire toutes les personnes en voitures !

On a aussi participé, entre autres, à un gros potluck avec le voisinage. L’esprit de communauté et d’entraide à Tucson me fascine vraiment. Encore cette année, ils m’ont fait découvrir une façon différente d’approcher la vie en société qui m’a fait remettre en question plusieurs des principes culturels qu’on a sur la côte est. Clairement, l’argent ne fait pas le bonheur. (Et heureusement, car je n’ai pas choisi une carrière trop lucrative jusqu’à maintenant !)

Redlands, Californie

Début mai, je retourne en Californie, à Redlands, pour l’une des plus importantes/difficiles courses par étape du calendrier. Pip et moi seront coéquipières. Le matin du contre-la-montre qui devait être la première journée, il neige! L’étape sera annulée, du jamais-vu. On était comme des enfants qui apprends que la journée d’école est annulée ! Par contre, j’aurais aimé me prouver au contre-la-montre; toute cette préparation sur mon vélo de contre-la-montre, et ne pas pouvoir m’en servir, c’était décevant.

Le lendemain, l’étape 2 (qui devenait l’étape 1), se termine en haut d’une longue montée. Je n’ai pas de jambes ce matin-là. Le peloton explose au bas de la dernière montée et je me retrouve en difficulté. Encore à 5km de l’arrivée, je sais que je peux dire adieu à un top-10 au classement général. Je ne sais pas si c’est la déception ou le manque d’énergie qui m’empêche d’avancer, mais je termine l’étape beaucoup plus loin que j’avais espéré.

Les jours suivants, mes jambes reviennent et je fais de belles courses. Mais le mal est déjà fait. Si je ne peux pas me classer au général en suivant les roues, je ne sais pas comment je peux aspirer à courir sur le World Tour un jour. Je termine 23e au général. (Je terminais 14e au général en 2017 malgré mon lot de malchance.)

Redlands composite team 2018

Dernier bloc à Tucson

Je retourne à Tucson tellement déçue, anéantie. Je n’ai pas le droit à une contre-performance. Comme on dit dans le vélo : « t’es aussi bonne que ta dernière course. ». Merde, j’ai encore 5 semaines avant la prochaine course. J’ai du mal à me lever le matin, plus rien ne fait de sens. Quand j’y repense, la semaine après Redlands a sûrement été mon point le plus bas de la saison.

Un matin, je dois aller faire des intervalles sur le mont Lemmon. Je n’en ai pas la moindre envie, je ressens un vide. Je le ferai quand même pour honorer mon engagement à 100%. Je vais simplement attendre patiemment la prochaine bonne nouvelle qui me ramènera ma motivation. C’est tellement difficile d’obtenir des résultats, de faire sa place. Et si c’était ça le plus haut niveau que je n’atteindrai jamais ?

En route vers le Mont Lemmon

En revenant du mont Lemmon, j’arrête au café Le Buzz en bas. Un coup d’œil à mon téléphone me fait sursauter : un courriel de Kevin Field (cyclisme Canada). Je suis invitée à prendre part à la course de Gatineau au sein de l’équipe nationale. Mes yeux se remplissent d’eau. Et juste comme ça, c’est reparti!

Partie 2 – Retour au Québec

À suivre…

Retour au Qc après plus de 5 mois sur la route!

d’autres photos..

Tucson Foothills
Californie
Le désert de la Californie
Océan Pacifique
Marie-Soleil Blais

Marie-Soleil Blais

Bike Racer & Adventurer

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